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Cogitations agitées
16 avril 2012

Lettre ouverte à mon amour d'adolescence

N'ayant pas eu de réponse suite à mon dernier mail (qui n'en attendait pas vraiment, d'ailleurs) je me suis inquiétée de savoir si peut-être, malgré moi, j'avais pu te blesser... J'espère que non, parce que c'est la dernière chose que je souhaite faire.

Ce que j'ai peut-être oublié de dire, c'est que, pendant des années, j'ai attendu de voir si un jour nous serions capable de construire une relation qui ne soit envahissante ni pour l'une ni pour l'autre, qui soit respectueuse de l'écologie émotionnelle de chacune de nous... J'y ai cru à plusieurs reprises, en rentrant des USA, surtout. (eh eh, je n'avais pas réussi à t'oublier ! Le problème des voyages, c'est qu'on s'emmène avec soi, et ses sentiments itou). Pendant tout ce temps là, ces 24 dernières années, j'ai attendu. Je me suis toujours dit qu'un jour on se retrouverait. Jusqu'à maintenant. Maintenant, je crois que je n'attends plus. Peut-être suis-je donc vraiment disponible pour quelque chose de neuf qui pourrait naître. Ou pas. En quelque sorte, ça n'a plus vraiment d'importance.

Ce n'est peut-être pas vrai. Peut-être que j'essaie juste de me persuader. Parfois, je ne sais plus moi même qui de moi ou de moi est en train de mentir le plus fort. J'ai tellement appris à cacher, à nier, à ne pas avoir mal, à ne pas avoir froid, à ne pas avoir sommeil... J'ai tellement piétiné ce que je ressentais, pour ne pas le voir, pour ne pas le faire voir, pour ne pas avoir à agir en fonction de ça, pour ne pas blesser...

T'avoir harcelé pendant des années pour te dire aujourd'hui "maintenant, c'est fini, je m'en fous, si tu veux on n'en parle plus..." c'est un peu fort, non ? C'est un peu trop, non ? Et pourtant.

Peut-être pourrait-on décider de tourner vraiment la page. De vraiment recouvrir nos années d'adolescence d'un voile pudique et de nous laisser vieillir tranquillement loin l'une de l'autre. Tant pis, je ne verrai pas la progression des rides sur ton visage ni tes premiers cheveux blancs (que tu n'as peut-être pas encore?) et tu ne verras pas mes enfants grandir. Tant pis, on ne se racontera pas pendant les 30 prochaines années comment c'était, au collège, et puis au lycée, ni nos histoires de mecs, ni nos dernières lectures (et de toutes façon, on n'avait pas les mêmes goûts). Non. Peut-être cette histoire qui devait durer toujours, dont j'ai vraiment cru qu'elle durerait toujours, va elle aussi prendre fin. Mourir, en un mot. S'arrêter. Se terminer. Tomber dans l'abîme du passé (mais pas de l'oubli, non, ça, je n'y crois pas).

Je vais maintenant la conjuguer au passé alors que je l'ai toujours écrite au conditionnel : si... Si tu m'appelais, si tu m'aimais, si tu me regardais, si tu posais ta main, là, ou alors là.. .Qui sait, qui sait alors ce qui aurait pu se passer....

Mais non, non, maintenant, c'est derrière nous.

Je pourrai dire, je dirai sûrement, j'ai aimé cette femme, je l'ai aimée à la folie, je l'ai haïe, je l'ai désirée, je l'ai crainte, je l'ai regardée, oh, comme je l'ai regardée... J'ai pensé à elle, j'ai rêvé d'elle, j'ai passé beaucoup de temps à essayer de penser à autre chose qu'à elle et j'y ai réussi, finalement, j'ai fait ma vie loin d'elle, loin de ses yeux bleu- perçant, loin de ses lèvres fines, loin de ses bras puissants... J'ai fait ma vie sans elle et elle était toujours là. Pendant des années et des années et des années, et encore des années, elle était là. En filigrane. En arrière plan. En arrière pensée aussi.

Voilà, elle était là, et je l'aimais et je désespérais de jamais la retrouver.

J'ai fait ma vie, une vie normale, j'ai rencontré un homme, j'en ai fait le père de mes enfants, j'ai trouvé un métier, qui n'était pas le métier de mes rêves, j'ai vécu la vie qu'on attendait de moi, celle, très sage, qu'on ne lit pas dans les histoires, celle où il ne se passe rien : la voiture qu'il faut emmener au garage, l'otite de la petite dernière, les chats qui vont et viennent et miaulent pour leur pâtée, les poireaux qui montent en graine parce qu'on les récolte trop tard... J'ai vécu une vie qui n'était peut-être pas la mienne, pas complètement la mienne, on pourrait dire ça, en quelque sorte, mais pourtant, c'était la vie que je m'étais choisie. Puisque tous mes rêves, tout ce que je m'étais imaginé être et devenir était perdu, alors, pourquoi pas cette vie de magazine? Tout bien comme il faut... Les deux enfants, la maison à rénover et la tondeuse le dimanche matin... Je caricature, la tondeuse, c'est pas toutes les semaines, quand même...

Mais voilà, oui, voilà. Cette vie, que je regarde avec... étonnement. Un étonnement proche de la consternation, ce soir, en tout cas en l'écrivant de cette façon. Parce que, forcément, oui, c'est peut-être caricatural. Ou peut-être pas. Ou pas tant que ça, pas tant que ça. Quand nos rêves sont en miettes, on prend le premier rêve manufacturé qu'on nous vend. Moi, on m'a vendu la vie parfaite : un pavillon en banlieue, un métier sérieux, une situation respectable...

Mais je m'égare.

Toujours est-il que voilà. Je t'ai retrouvée, je t'ai écrit, tu m'as répondu, et moi aussi... Et j'ai senti que petit à petit, je me détachais. Que cette fois, sûrement, c'était un vrai adieu. Si tu ne m'avais pas aimé comme moi... alors voilà. Si on ne s'était pas trouvées, au départ, comme je l'avais cru et pensé ou imaginé, alors on ne risquait pas de se retrouver. Il était, il est donc vain d'attendre.

C'est pourquoi, maintenant, c'est fini. Je n'attends plus. Je ne crois plus. Je n'espère plus. Ce n'est pas triste, en tout cas, je ne crois pas. Ou alors, pas trop. Les fins ouvrent sur d'autres possibles, les chemins se terminent en tombant sur d'autres pistes et j'en suivrai bien une, une autre, qui m'emmènera ailleurs...

 

Je te garde dans mes pensées, ma belle, ma toute toute belle, toi que je n'aurais pas su aimer, finalement. Toi que j'aurais si peu rencontré, en vrai. Toi qui, toi qui... Toi qui là, tout le temps, tout le temps... Toi à l'aune de qui j'ai mesuré ma vie... Toi dont les devises sont devenues mes mots d'ordre. Toi qui, pendant ces quelques années où j'ai vécu pas trop loin de toi, a fait ma pluie et mon beau temps.

Toi que j'ai rêvé d'aimer si souvent.

Je te souhaite d'être heureuse et d'être libre et de voler comme le vent. Je te souhaite ta vraie vie, celle qui te fait rêver et met des paillettes dans tes yeux. Celle sur laquelle tu te retourneras en te disant « j'ai été heureuse, j'ai fait ce dont j'avais envie, ce en quoi je croyais, ce qui était important pour moi... » Je te souhaite d'aimer toujours, comme j'ai pu t'aimer. Parce que c'était beau. Parce que ça m'a nourri et porté, parce que ça m'a donné la vie...

 

 

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