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Cogitations agitées
2 avril 2012

Vieillir dit-elle

Je viens d'avoir 37 ans, c'est ridicule. C'est un âge ridicule, c'est un fait ridicule, qui a à peu près autant de sens que le QI ou le numéro d'immatriculation de ma voiture. C'est un chiffre qui veut tout et rien dire, qui ne dit rien de plus que le vrai nombre d'années qui me sont passées dessus. Cela devrait pouvoir avoir un sens, on devrait pouvoir savoir ce qu'il en est des gens, juste à connaître leur âge : on devrait pouvoir savoir quelles expériences ils ont vécues, combien de guerres ils ont traversées, on devrait pouvoir compter leurs rides comme on compte les cernes de croissance des arbres mais non, on ne sait rien des gens quand on connaît juste leur âge. On peut juste imaginer, catégoriser, et se planter.

Je n'imaginais pas mon corps comme ça, quand je m'imaginais à 37 ans. J’imaginais une femme que la vie a déjà usée, lasse, aigrie et cernée. Et j'en suis restée à ce que je pensais des gens de cet âge quand j'avais 20 ans, l'idée que je m'en faisais. Je les appelais «  les vieux croulants » avec mes copines... Or, je ne suis ni lasse, ni aigrie, juste un peu cernée – mais je l'étais déjà à 18 ans. Mes 37 années, j'ai plutôt l'impression de les avoir chevauchées plutôt que d'avoir été piétinée par elles. Il me semble qu'elles ne m'ont pas vraiment atteinte. Je me sens si jeune dedans... Dans le corps et dans la tête. Et dans le cœur. C'est juste quand je me regarde de l'intérieur, que je compte les saisons passées, que je vois mes enfants grandir, que je regarde mon visage qui tout de même a pris quelques ride que je me dis que je ne devrais pas être là, pas penser ça, pas vivre comme ça à mon âge... Ah ! mon âge, vous pensez bien !

Maintenant je suis vielle et croulante, en théorie, mais en pratique, qu'est-ce qui a changé depuis mes 17 ans ? Je suis strictement la même, non ? Et tout à fait une autre, bien sûr. Quelques futurs cheveux blancs ne changerons rien à mon optimisme. J'ai toujours une énergie qui semblerait inépuisable si je ne m'évertuais pas avec autant d'acharnement à l'épuiser. Mon cœur bat toujours pour rien, s’excite vite et se calme aussi difficilement. J'ai un cœur de midinette, un cœur qui aura toujours 15 ans, un cœur qui ne demande qu'à aimer. Bien sûr, il y a peut-être plus de barbelés autour de lui que lorsque j'avais15 ans. Je le protège un peu mieux, je ne l'expose pas autant. Ou pas sans précautions. Je me ménage, aimerais éviter les trop nombreuses insomnies. Il est occupé par plus de monde qu'avant aussi. Il s'est agrandi. Pour inclure notamment des enfants auquel je porte un amour délirant qui m’effraie parfois. Il est jonché de quelques cadavres, amours passées dont j'hésite à me débarrasser, vieilles histoires que j'aime à sortir du placard pour les dépoussiérer de temps en temps. Amitiés tenaces, rancunes peut-être que je n'oserais pas penser ? Copains d'enfance jamais abandonnés malgré le temps et l'absence d'actes posés. Il y en a du monde, là-dedans. Demandez, vous trouverez. Beaucoup d'amours rêvées, jamais vécues, jamais portées au grand jour. Pour que la lumière les fane ? Merci bien, mais non. Dans le creux de mon âme, je vous aime et vous protège de moi-même. Pas de regret. J'ai aimé qui j'avais à aimer, aussi bien que j'ai pu. J'aimerais juste aimer mieux, maintenant que le grand âge me guette.

Peut-être les années passant pourrais-je apprendre à... à quoi ? Que n'ai-je pas bien fait ? Que ne me suis-je pas autorisé ?

Flirter avec la passion, la folie, j'ai fait, il y a si longtemps. Oui, depuis, je me tiens à distance des grands élans furieux. Ou, peut-être sont-ils là, mes barbelés, m'empêchant de tomber dans la folie amoureuse. Dieu m'en garde... Mais, peut-être, oui, peut-être, aimerais-je encore, encore me jeter dans un amour fou, m'abandonner avec la même insouciance, carboniser en totale innocence ! Mais quel mensonge ! ai-je jamais eu cette insouciance ? A d'autres ! Je n'ai jamais rien lâché, jamais rien laissé filé, j'ai toujours tenu, tenu, tenu tout ce que je pouvais, mes boyaux avec mes mains et mon âme avec mes ongles, mes rêves au bord des lèvres et les sourires accrochés sur la bouche, s'il vous plaît, et en rang petit soldat... Alors je rêve de pouvoir, non pas de nouveau, mais enfin, aimer librement... Totalement. Complètement. Sans retenue. Me consumer entièrement. En voilà, une bien belle idée romantique que j'ignorais avoir gardée ! Tiens, ça me rappelle mon adolescence. Je lisais Baudelaire et Sartre et je voulais mourir malheureuse. Ce qui me confirme, qu'au fond, non, rien n'a changé. J'ai les mêmes aspirations et les mêmes garde-fous solides. Je ne tomberai pas. Peut-être pas. En tout cas, je ne suis pas encore tombée.

Mais sinon, sinon, dans mon cœur, dans ma vie, qu'est-ce qui a changé ? Je regarde les autres avec le même intérêt, la même gourmandise, je me sens aussi loin du monde en général mais plus à ma place qu'avant.

Quant à mon corps, il me semble aussi souple, aussi rapide et puissant qu'avant. Je peux danser, encore. J'ai même continué à progresser, moi qui pensait que la vie s'arrêtait à 20 ans, et que la décrépitude commençait le jour de cet anniversaire. Et bien non. Ça viendra, je n'en doute pas, mais ce n'est pas encore là. Je redoute terriblement ce moment. J'y pense sans arrêt. J'ai peur. Peur de ne pas supporter de vieillir. De voir les rides se creuser chaque jour un peu plus, les premiers cheveux blancs se perdre dans la masse des derniers arrivés, les muscles ramollir inexorablement, les tendons se fragiliser, la raideur s’installer, la fatigue gagner petit à petit. Mais là, non. Je n'ai pas encore changé.

Alors, pourquoi, certains jours l'impression d'être si vieille ? C'est le nombre, le nombre fait peur, la façon dont j’interprète le nombre dit quelque chose que je ne veux pas entendre. Ce nombre, c'est comme le tic-tac de l'horloge, qui compte inexorablement. Ça ne veut rien dire du tout, une seconde, ce n'est rien, mais on sait bien que les secondes s'ajoutant aux secondes nous rapprochent de la mort sur leurs petites jambes fines... Et 37 ans, ça dit quand même ça, aussi. Que le temps de ma future mort se rapproche. Et qu'il serait temps de vivre, vivre vraiment avant qu'il ne soit trop tard.

 

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  • Des réflexions, des poèmes, des textes divers, des extraits de mon journal et tout ce qui me passera par la tête sur mes sujets de prédilections du moment : la danse, l'amour, le sexe, l'intelligence, les relations humaines, etc.
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